Auteur : Pierre Bonnaud
Essai géohistorique pour une réflexion sur l'aménagement du territoire
De l'Auvergne est la synthèse de plus de trente-cinq ans de travaux géohistoriques dans notre région. L'Auvergne présentée ici est celle de la longue durée, des interactions innombrables entre les facteurs les plus divers, de leur hiérarchisation variable avec le cours du temps, des permanences aux apparences subtilement changeantes, accompagnées de temps à autre de quelques ruptures vraies mais partielles. C'est une Auvergne sans frontière mais bien individualisée avec son foyer fondamental dans l'axe de l'Allier, les aires d'influence directe et indirecte de ce dernier, des périphéries où se perturbent quelques archaïsmes (mot non péjoratif !) et où s'entrecroisent des courants extérieurs plus ou moins actifs et persistants, des marges où l'on commence à basculer vers d'autres horizons. C'est un pays dont tous les observateurs ont souligné la « constance », où l'on découvre non pas le repli sur soi mais une aptitude surprenante à trier et à adapter ce qu'il emprunte. Sur ces bases d'un choix éclairé par l'adéquation à sa propre nature, l'Auvergne a joué la rôle de relais entre les foyers les plus dynamiques de l'espace français (Bassin Parisien, France orientale structurée par le sillon rhodanien) et les terres occidentales et méridionales plus immobiles. Tout cela qui, pour l'essentiel, dura plus de vingt siècles, est maintenant fragilisé par des évolutions économiques et démographiques d'une puissance irrésistible. Est-ce périmé pour autant ? Sans succomber à la tentation de composer des onguents pour jambe de bois afin d'entretenir le moral de la troupe, l'auteur met en avant quelques idées visant à redynamiser l'Auvergne sur ses propres bases, au sein de son cadre véritable, la France centraliste, à mieux l'articuler sur ses voisins naturels de la France médiane qui l'englobe, pour en faire un maillon solide et actif de la France toute entière, en laquelle il ose croire malgré les nivellements organisés de la globalisation et d'une européanisation sans nul doute nécessaire, mais mal conçue si elle doit remettre en cause l'héritage positif d'une nation telle que la nôtre.
AVERTISSEMENT
J'ai écrit ces pages en géohistorien et en arvernisant. Le lecteur est prié de garder présent à l'esprit le lien organique entre ces deux lignes de raisonnement, afin de bien comprendre la logique de l'ouvrage. Je le remercie à l'avance de bien vouloir faire cet effort et afin d'y parvenir de se rappeler que la géohistoire est l'étude des interactions entre les données de la géographie et les faits historiques sur la longue durée; et que les arvernisants sont les défenseurs du patrimoine vernaculaire auvergnat et en tout premier lieu de la langue auvergnate, sa valeur la plus fondamentale.
D'autre part, je précise bien que ce livre est un essai, non un manuel ou un traité. Il solde presque un demi-siècle d'études, d'observations, de recherche dans les domaines de la géohistoire, de la géographie humaine (peuplement, occupation du sol, vie de relations), de la géographie culturelle (intégrant les résultats de trente ans de combat pour la réhabilitation et la survie de la langue auvergnate qui m'est chère entre toute chose).
Il ne faut pas y chercher un tableau encyclopédique de l'Auvergne: pourquoi m'aventurer maladroitement dans des domaines où je ne serais qu'un épigone mal à l'aise? D'ailleurs, il est devenu impossible à un seul homme d'embrasser toute la « matière d'Auvergne », rançon du progrès général de la connaissance.
J'ai donc souhaité faire part d'une expérience longue et diligente et de quelques convictions imposées par elle afin que tant d'efforts ne soient pas perdus.