Auteur Philippe ROUCARIE
BABELIO AVIS DES LECTEURS
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Avant de quitter ce village ami qui, doucement, s'enfonce dans l'oubli il a voulu saluer ceux qui étaient en charge des grandes fermes. Ils représentaient l'Aristocratie du Travail, vivaient de leurs certitudes et ne croyaient qu'en la Terre, rien qu'en la Terre. Ils régnaient sur un domaine qui venait du Temps et qu'ils légueraient au Temps. Le Pimpan était l'un des leurs, né du besoin qu'éprouve tout groupe à se choisir des modèles. Il ne calculait que dans le futur, comme si l'éternité était son lot. Il gardait de ses ancêtres qui avaient vécu à l'ombre des volcans et s'étaient chauffés au feu de la Terre, la notion de la relativité des choses. Il gérait son bien comme le Ministre des Finances devrait gérer la France : ce qui comptait ce n'était pas ce qui rentrait, c'était ce qui ne sortait pas. On le présentait comme sauvage parce qu'il était réservé, on le jugeait arriéré parce qu'il était secret, on l'accusait d'être âpre parce qu'il était économe. De tout il a été beaucoup dit, beaucoup moqué. Du Pimpan il manquait sa vérité. Elle n'a pour ambition que d'être unique.
EXTRAIT
De mémoire du Pimpan il avait toujours eu des chiens. Tout jeune, quand une grosse peine torturait son âme d'enfant, il se réfugiait sous la table et de suite quelque museau baveux ou quelque grosse langue rêche venait débarbouiller sa joue. Petit pâtre, c'était l'exutoire à la brutalité du vacher, aujourd'hui, c'était l'ombre qui suivait cet ami devenu surprenant d'attentions.
Chaque ferme avait son chien, ses chiens. Une maison sans ce compagnon de tous les jours c'était un marc sans alcool ou un repas sans Cantal. Si le maître était chasseur ils s'appelaient Clairon ou Trompette ou Fanfare et, dans le soir, saluaient la nuit d'un concert sans fin. Si le maître, comme Pimpan, avait jugé que courir à travers la campagne à la poursuite du gibier était un gaspillage des forces et une perte de temps, il s'appelaient Toutou ou bien Bergère, indéfiniment.
Le premier était venu un jour, né de quelque griffon émérite lanceur de lièvres ou de quelque ancêtre gardien de troupeau. Et la race s'était perpétuée. Un ? C'était insuffisant, deux, c'était bien, trois dont un qui suivait les vaches à la montagne c'était parfait. Au-delà, c'était la pollution. Ils vivaient de la croûte du fromage et de la couenne de lard. Ils se délectaient des délivrances des vaches, d'un peu de petit lait raflé au hasard et, bonheur suprême de quelques os de poulet abandonnés à leur convoitise. Ils avaient fait exactement la part du permis, le sabot dans les fesses leur rappelant les limites à ne pas dépasser.
