Auteur : Lucien GACHON
BABELIO AVIS DES LECTEURS
4EME DE COUVERTURE
« Lucien Gachon est un professeur admirable, et un poète. Il connaît son sujet par le corps et par l'âme, par les mains, par l'esprit, par les yeux, par les cals. L'Auvergne, il l'a bêchée, et il l'a labourée ; il la porte imprimée en lui, il l'a dans le sang, il en sait les patois ; il n'est rien qu'il n'en puisse expliquer dans le détail, et dans le temps et dans l'espace ; dont il ne sache la place dans l'ensemble logique, et l'inéluctabilité. Il simplifie en elle toutes les complexités et marie tous les disparates avec l'aisance d'un homme qui a épuisé le sujet.» ALEXANDRE VIALATTE
Lucien Gachon est né en 1894 à la Guillerie, commune de Saint-Amant-Roche-Savine, dans les monts du Livradois, en Auvergne. Fils de paysans, et paysan luimême, il a été instituteur pendant seize ans, hussard noir de la République, puis continuant ses études, passant sa thèse, il devint professeur de Géographie à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand.
PRESENTATION
Ce ne fut pas un besoin de nouveauté mais une exigence de vérité qui constitua l'aiguillon du XIXème siècle. Les théoriciens du Romantisme ne manquèrent pas de le souligner. L'affirmation était inséparable d'un acte de foi. Tel un souffle inépuisable, elle inspira jusqu'à sa fin un patriarche comme Hugo. Pourtant, au delà des écoles littéraires et des attitudes politiques, elle continua à donner un sens à la vie de jeunes hommes appelés à devenir des hussards de la République. Il demeure néanmoins que le rêve d'émancipation de cette génération n'excluait pas une tendresse secrète pour la vie des champs à laquelle tant de jeunes maîtres paraissaient profondément attachés. Affection d'autant plus intense qu'elle se sentait soudain menacée par le boulversement des Temps. Les vestiges de la vie d'autrefois continuaient à s'inscrire dans les rudes villages ambertois et l'on pouvait encore caresser toutes choses avec le regard de l'enfance qui découvre des secrets interdits aux adultes. L'existence quotidienne était toujours capable de laisser deviner un bonheur rustique. La dénomination du présent recueil m'a été suggérée par surprise mais avec une pertinence étonnante. Déjà Lucien Gachon avait donné ce titre à l'une de ses première nouvelles. Il l'eut encore beaucoup mieux approuvé en tête de l'ensemble des articles de journaux, rassemblés jusqu'en 1969, pour laisser à ses concitoyens un témoignage authentique de l'existence rurale. [...] Paul VERNOIS
EXTRAIT
J'avais six ans au temps où la Mouraillade était une vieille vache que mon grand-père et ma grand-mère s'étaient réservée en donnant leur butin à leur fille unique, ma mère. Leur butin : un bien de deux vachettes, deux pradets (petits prés) faisant cinq chars de foin, une place pour le seigle, un coin pour les pommes de terre et quatre murailles supportant un toit de tuiles creuses où une cheminée montait, où la fumée chaque matin, chaque midi, chaque soir disait aux gens de la Font et de la Feuille que Chenenaille de la Guillerie et sa Mariette n'étaient point morts. Ils avaient eu peur que 180 francs de pension par an et pour eux deux ça soit bien juste pour vivre. Alors, ils bûchetteraient (bricoleraient) encore un temps soit peu tous deux, Quelques pommes de terre, une couenne de vieux lard rance, les grillons, - quand la graisse a donné tout son jus dans la poêle - Les lavailles des pots et des seilles, assez pour pousser un petit porc jusqu'à ses deux cents livres. Et pour commencer, il y aurait la Mouraillade estimée 280 francs au cas où mes parents voudraient la reprendre. Pigée de rouge et de blanc, mais davantage de blanc que de rouge et celui-ci semé fin de ci de là surtout vers le cou et les épaules. Quel âge avait-elle ? On disait douze ans. Pour moi, elle était la Mouraillade depuis que le monde avait commencé.