Auteur : Alexandre ANDRAUD
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Des souvenirs, bien sûr, mais aussi le témoignage irremplaçable d'une vie entière remplie de tous les changements d'une époque, qui a vu les hommes de la campagne passer des labours aux bufs à l'ordinateur. Celui qui parle a connu et participé à tous ces changements, mais surtout il a été l'un de ceux qui en furent à l'origine, avec d'abord les débuts de la vulgarisation agricole puis la création des Centres d'Études Techniques Agricoles dans la campagne la plus proche au Nord de Paris, en vieille France. En effet, cet homme si épris de liberté et de nature, a aussi exercé avec son épouse un autre métier, celui de maître d'école en prenant les enfants que les parents leur confiaient pour les aider à devenir des hommes et des femmes dignes. Ses récits, toujours empreints de vérité, ramènent à la juste valeur des choses, et par un hasard fécond, c'est avec une acuité particulière, que ses réflexions pourraient servir d'utiles conseils à ceux qui bavardent autour du débat ville - campagne ou parlent du problème des banlieues, sans le connaître. Du haut Cantal où il est né, à la vieille France où il a enseigné à des générations d'enfants et élevé le seul troupeau de moutons de la Ville de Paris, avant son retour en Auvergne où il relance l'élevage de bufs Salers, Alexandre Andraud est un de ces auvergnats qui se tiennent debout face à la vie. Son livre est plein de fraîcheur, d'authenticité, de grandeur d'âme aussi, par quelques récits pris au hasard d'une longue et laborieuse vie. Elle méritait d'être racontée.
EXTRAIT
L'amitié
Monsieur C. était notaire à Paris. Son étude, au n° 20 du Boulevard Malesherbes, était importante et avait une grande renommée.
À l'époque où le hasard a fait que nous nous sommes connus, pendant la dernière guerre, il venait de prendre sa retraite, son fils lui avait succédé. Très actif encore, il participait à la vie de l'étude, allait de temps en temps visiter ses métayers dans la région de Saint-Léonard de Noblat, en Limousin. Il était reçu par eux comme s'il était un membre de leur famille, il m'était arrivé de l'accompagner.
La famille de sa femme avait une propriété à Garges-lès-Gonesse et avait fait un don important à la commune.
Monsieur C. faisait partie du Conseil d'Administration de cette fondation. C'est là que nous nous étions connus et nos relations ont fait que nous nous sommes devenus amis. Cet homme, qui était déjà d'un âge avancé, aimait revenir dans ce coin de campagne, près de Paris, qui lui rappelait sa jeunesse. C'est bien volontiers qu'il acceptait l'invitation à notre repas du soir pris simplement en famille avec les enfants qu'il savait intéressés. Il connaissait parfaitement la région et les familles, il aimait raconter anonymement, quand il le fallait, des anecdotes de sa vie de notaire. Une d'entre elles est toujours restée présente à ma mémoire car elle le caractérisait :
- « Je présidais, ce jour-là, en tant que notaire un conseil de famille en vue d'un arrangement pour une succession.
Les intérêts d'un mineur m'étaient confiés pour les défendre et le représenter. J'ai eu fort à faire et reçu pas mal de paroles désobligeantes de la part d'un homme important et riche qui, si on l'avait laissé faire, ne se serait pas embarrassé de scrupules pour augmenter sa part, aux dépens du mineur que je représentais.
La séance a été dure, pénible, écœurante même parfois mais l'honnêteté a été sauvegardée. À quelque temps de là, un jour, à l'étude, mon premier clerc vient à mon bureau et me dit : « Maître, Monsieur X veut absolument vous voir ». « Hé bien moi, je ne veux absolument pas le recevoir, ni aujourd'hui, ni plus tard ». Cette réponse ayant été transmise, elle n'a pas pour autant découragé le visiteur qui, vous l'avez deviné, n'était autre que celui avec qui mon ami avait eu maille à partir, lors du conseil de famille.
