Le Grenier de Clémence

Éditions CRÉER

Le destin peu ordinaire d'une femme de caractère de 1880 aux années 60 raconté par son neveu au fil de ses découvertes.

1C-CRF021
CRF021-4C

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Description

Auteur Pierre WIRTH

BABELIO AVIS DES LECTEURS 

VERSIONS NUMÉRIQUE DISPONIBLES

 

4e de couverture

Qui se cache derrière Clémence ?
Quel est le secret de cette femme dont on peut dire qu’elle est « un caractère » ?

Pour le comprendre, il faut fouiller dans le grenier de ses souvenirs, d’Angers à Cantailhac, petit village
d’Auvergne, en passant par Paris…

 

EXTRAIT

Aucun d'entre nous, au cours des longues soirées d'été successives que nous passâmes à Cantailhac, ne lui tira rien sur ses origines. Nous avons maintes fois essayé pourtant, au détour d'une conversation, par le biais d'un prétexte que nous pensions fin, quelquefois abordant le sujet de front pour tenter de la surprendre. Elle levait alors l'œil au ciel, soufflait par le nez avec sorte de mépris distant, ou encore, sans un mot, d'un geste de la main, elle coupait le fil d'une façon tellement tranchante que nous nous gardions bien d'insister. Seules les formalités de son enterrement nous amenèrent à découvrir que Clémence était née à Cholet, en 1881. ? Clolet, dit Pierre, Cholet c'est les petits mouchoirs. Peut-être son père en faisait-il ?... Clémence née dans le mouchoir, voilà qui est inattendu ! Par contre, elle parlait un peu plus volontiers d'Angers où elle avait ensuite vécu, certains jours du moins, quand lui convenaient le temps, l'ambiance, la tête de son interlocuteur, lorsqu'était parfaite la conjonction des impondérables avec lesquels il fallait toujours compter au moment de l'affronter. Certes, elle ne se laissait jamais aller à des confidences suivies, elle évoquait tout au plus, au passage, à petites touches décousues au fil des choses remontées, une minute d'autrefois, un incident, un seul personnage, mais sans pousser loin dans le déroulement ni profond dans le portrait, comme prudente aurait-on dit, et soucieuse de ne pas dévoiler son passé tout à fait. C'était généralement le soir, sur la terrasse qui dominait la vallée encore très verte en cette saison. Elle se tenait immobile, les mains jointes, les paupières clignées et le regard lointain, à cause du soleil couchant qui lui venait de face, à cause peut-être de sa cataracte qui lui voilait la pupille d'une sorte de froide blancheur. Du village proche montaient les bruits habituels de la journée finissante, et, dans le chemin, sous le jardin, passait un lent troupeau que nous savions rouge et dont nous n'entendions que l'haleine multiple, les sabots mous et réguliers. Surexcités par quelque orage lointain, nos gosses piaillaient dans le crépuscule, follement affairés à leur jeu de cache-cache. Deux ou trois fois déjà, ils s'étaient jetés au travers du rond des chaises et des fauteuils, tirant les adultes de leur chaude torpeur. ? Pardon, tante Clémence... Clémence... mence... Et ils filaient en trombe. ? Odieux !... Ils sont odieux ! Elle croisa son châle sur la poitrine, la tête mobile, comme pour déceler, au seul rythme changé des respirations, une protestation silencieuse ou seulement l'esquisse d' un sourire. ? Moi, à leur âge, à Angers, je m'amusais seule et sans importuner les gens. Il aurait fait beau voir d'ailleurs ! Mais après tout, est-ce leur faute s'ils ne savent plus ni le respect ni la discrétion ? Et elle recroisa son châle d'un mouvement sans réplique.        

La maison est humide et sombre, même au fort de l'été. L'étroite impasse Grainetière, où elle est coincée, ne reçoit guère le soleil, et le fleuve tout proche y souffle, par vent du nord-est, ses brumes, ses relents et ses moiteurs. Clémence a cinq ans. Elle s'occupe à longueur d'heures, dans le raide escalier resserré : descendre les marches une à une, sur le derrière, à petits coups en cascade qui font sonner le bois, griffonner de l'ongle, dans une tache verte sur le plâtre, un dessin compliqué qui n'a de sens que pour elle, laisser glisser de haut en bas, sur la rampe gluante, une main qui avance par secousses avec des sifflements gras. Elle ne s'aventure pas au-delà du seuil. « Tu es trop gamine. Je te défends de quitter la maison ». Mais un jour, la frontière interdite prudemment franchie, Clémence découvre l'impasse qui lui est monde nouveau : pavés luisants, façades plates, fenêtres tristes, des immondices dans une encoignure et que remuaient vivement deux chats effrayants, l'un borgne et rayé, l'autre gris avec une oreille en lambeaux. Ensuite, et peu à peu, elle explore et reconnaît le quartier. Il est d'étendue restreinte et bien délimité, donc rassurant, c'est un rectangle bordé de deux côtés par le fleuve et son quai à redans, sur les autres faces par la rue Beaurepaire et le boulevard Henri Arnaud. Au milieu de cet espace géométrique, deux ruelles se croisent en équerre et leur carrefour fixe particulièrement la fillette. Assise, le dos au mur, elle se sait ici protégée par l'épaisseur des pâtés de maisons qui la séparent de l'inconnu, par la proximité de son vieil escalier où elle peut se réfugier s'il le faut, hors d'haleine et le cœur battant. Elle se sent en même temps ouverte à tout ce qui peut venir d'ailleurs à l'improviste grâce aux quatre percées qui mènent droit aux limites de son domaine, et qu'elle contrôle de l'œil, de l'oreille aux aguets. Ouverte aux enfants surtout qui s'aventurent quelquefois en bande dans l'impasse d'habitude curieusement déserte. Elle les observe de loin, d'abord méfiante, puis elle est attirée, enfin elle est admise aux jeux après un rituel simple et direct imposé par un petit chef rouquin et grêlé.  ? Pour commencer tu nous montres ton cul. Ensuite on décidera.        

Vos enfants sont indécents, grinça Clémence. In-dé-cents ! Elle venait de rentrer d'une promenade qu'elle faisait, disait-elle, par hygiène et non certes pour le plaisir : chapeau de paille, lunettes noires et une ombrelle à l'antique qui amusait les gens du village. Sa petite nièce, cinq, six ans, ne l'avait pas entendue passer. Perchée sur le muret de l'enclos des cochons, elle dominait, tranquille, vingt porcs grognons et fouisseurs. Elle les avait interpelés, « Cochons », s'était tournée, troussée et puis, culottes basses, son rose derrière face au pré, la tête entre les jambes : « Cochons, vous le voyez, mon cul ?... Mon cul... il vous plait, cochons, mon cul ? » ? C'était impensable de mon temps... Mon cul... Impensable ! Et Clémence reprit lentement son souffle.        

L'école où on la met bientôt est aux frontières presque de son royaume, et, dès la sortie, un rapide galop la ramène chez elle, à peine le temps d'avoir le vertige devant les espaces infinis de la place Bordillon entrevus une seconde, les nattes sautantes de la course. Elle ne parle jamais de cette école qu'elle déteste, à personne. Elle boude ses maîtresses qui la trouvent renfermée jusqu'à 1'inquiétant. Elle ne se lie avec aucune de ses camarades, sauvage, mal intégrée, bloquée par quelque problème trouble qui la travaille en secret.

Caractéristiques

  • Auteur : Pierre WIRTH
  • Format : 16,5 x 24 cm, épaisseur 8 mm
  • 186 pages
  • Couverture souple sans rabats
  • Photo de couverture : Mme Jasmy Alvin - Van Dongen Kees (1877-1968) Centre Georges Pompidou Paris

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