Auteur Philippe ROUCARIE
Philippe Roucarie tire sa révérence. Ce sera son dernier livre.
Il salue ces années de bonheur. Quitte ce monde qu’il a tant aimé, mène en parallèle la vie imposée hier par la guerrre et celle dictée aujourd’hui par la maliadie. Le monde et ses réactions.
4ème de Couverture
Philippe Roucarie a écrit le mot « fin » à une œuvre qui l’a passionné et dit au revoir à ce monde qui disparait.
Que restera-t-il de ce travail ?
Un jour, d’une vieille caisse dans un recoin de grenier, un petit enfant trouvera des livres couverts de poussière. Et la curiosité sera trop forte.
— C’était qui Philippe Roucarie ?
La réponse sera hésitante et demandera un temps long… très long !
— C’était ton arrière-grand-père.
— Et, il a écrit beaucoup de livres ?
— Oui… Je crois !
— Combien ?
— Peut-être vingt !…Vingt-cinq exactement !
— Il parlait de quoi ?
— Du monde qu’il habitait alors à la campagne !
Et la conclusion arrivera, obligatoirement :
— C’est loin ! C’était une autre époque.
Ainsi va la vie et son complice l’oubli.
Extrait
Dimanche 22 Mars 2020
Au jour le jour
Aujourd’hui, sixième jour de confinement… Celui où il est possible de faire le point, de comparer, de juger en espérant…
J’ai commencé ma vie avec la guerre, je la finirai avec la guerre. J’avais dix neuf ans en 1942. J’en ai quatre-vingts de plus aujourd’hui. Le temps est passé, les souvenirs sont restés, aussi nets, aussi précis que si je venais de les vivre.
J’étais averti, à l’époque.
Dans un monde qui vivait à l’étroit, héritier de traditions et adepte d’une civilisation qui venait du temps, à intervalles réguliers, la guerre venait prélever sa part de jeunes. Elle s’imposait comme une échéance inéluctable et, terminée – toujours mal relativement aux pertes – elle provoquait de lointaines secousses qui, dans mon monde, n’étaient guère qu’un frémissement.
J’étais pensionnaire à l’époque. Mais, un peu par mes professeurs, à peine plus par ma grand mère, je voyais, d’une façon inéluctable, monter les périls. Elle aurait pu m’en dire beaucoup. Elle gérait son hôtel, habitait Paris mais était aussi érudite que fataliste et laissait mon père et mon oncle aborder longuement leurs certitudes. Ils le faisaient librement devant moi qui étais un témoin muet mais attentif.
Tous deux avaient été engagés durement dans la première, mon père brisé au Chemin des Dames, mon oncle survivant.
Le premier exploitait sa ferme mais, souvenir de son enfance, recevait tous les jours un journal national, le second, agrégé d’Histoire, enseignait, à l’époque au Lycée de Lorient.
Ils avaient donc, de la situation, une idée assez précise mais que, comme il en advient toujours, la suite remettrait sérieusement en question.
En face, l’Allemagne, vaincue en 1918, écrasée par un traité impitoyable, en proie à des problèmes intérieurs insupportables, avait confié son destin à un dictateur. Elle représentait, pour notre propagande, une menace sans grande consistance.
Voilà où j’en étais quand la guerre s’est déclarée.
Si je n’étais pas complètement ignare, il faut reconnaître que mon bagage était mince.
Aujourd’hui, comme tous, j’ai entendu parler de ces maladies inconnues qui menaceraient l’humanité, quelque chose de vague et d’hypothétique qui remettrait en cause notre façon de vivre, notre économie, nos vies…
Et mon attitude reste assez semblable à celle qui était la mienne, il y a un siècle.
