Auteur : Claude TUOT SILLAND
Le bestiaire de la cathédrale, riche de plus de 700 figures, témoigne de la fascination qu’exerce l’animal sur l’homme depuis la nuit des temps.
Au Moyen Âge, représenter des animaux permettait d’enseigner la religion et d’approfondir la foi des fidèles.
Aujourd’hui, ce bestiaire nous fait découvrir des croyances anciennes et oubliées. Sa richesse et sa fragilité nous permettent de réfléchir sur le monde actuel, et il nous enchante par son réalisme et sa fantaisie.
Contempler le chevet de la cathédrale, c’est voir, peut-être, dans ce gigantesque vaisseau planté dans la ville, une image de l’Arche de Noé qui accoste enfin après sa longue dérive sur l’océan. Les animaux grouillent de toutes parts. Ils grimpent ou glissent le long des pinacles, s’accrochent à leur base ou s’impatientent sur la corniche, prêts à sauter à terre et à se disperser.
On compte 788 animaux sculptés sur l’ensemble de l’édifice, et c’est considérable. À ce titre, la cathédrale de Reims est unique et mérite qu’on s’y attarde.
Ce grand nombre témoigne de l’intérêt qui est porté à l’animal pendant cette période du Moyen Âge.
Certains théologiens développent l’idée qu’il peut aider l’homme à comprendre sa place dans le monde. Cette vision symbolique est codifiée dans les Bestiaires. Les moines qui les rédigent au XIIe et XIIIe siècle partent d’un trait caractéristique de l’animal, réel ou non, qui le range du côté du divin ou du diabolique. Cette classification, souvent ambivalente, est alors l’occasion d’une leçon de théologie et d’un encouragement moral adressés au chrétien.
C’est ainsi que nous regarderons les animaux sculptés de manière très réaliste sur les façades de la cathédrale, y compris ceux des scènes qui retracent les grandes pages de l’histoire sainte. Ils les rendent attrayantes tout en délivrant des messages spirituels aux croyants.
Le bestiaire de la cathédrale, pourtant, garde une part de mystère : certains ensembles de sculptures dans lesquels les animaux jouent un rôle important résistent à l’interprétation proposée. Le nom et le rôle qu’on leur attribue sont peu convaincants, comme si leur sens avait été dénaturé. Il s’agira de les cerner le plus possible et de découvrir que la cathédrale recèle dans sa statuaire et notamment dans son bestiaire, plusieurs strates de croyances si fortement ancrées dans les populations que l’Église les a acceptées, en les christianisant, sans recourir, comme parfois, à l’iconoclastie.
Le plus souvent, cependant, l’Église rejette les animaux en tant qu’êtres impurs et inférieurs. On ne peut que s’étonner alors d’en trouver un si grand nombre sculpté sur les bases des pinacles à côté des masques humains. Cette promiscuité est contraire à la volonté des hommes d’Église de marquer une rupture absolue entre l’homme et l’animal.
Ainsi, ces représentations d’animaux ont un message à délivrer, perdu depuis des siècles, celui de la place de l’homme dans l’Église à cette époque du Moyen âge. Elles éclairent aussi la place de l’animal dans la vie quotidienne. Hommes et bêtes vivaient dans une grande proximité et c’est un hommage parfois touchant qui leur est rendu.
