Auteur : Patrick Delmont
Avant-propos : Pierre MIQUEL, Historien
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Vivre dans une région, une province, une ville ou une bourgade, c'est d'abord aimer l'environnement profond, c'est participer à une évolution de ses coutumes, de ses institutions, qui tantôt subsistent ou disparaissent, qu'il n'est au pouvoir de personne de changer, mais que seuls les hommes peuvent aménager ou améliorer, sans pour cela en arracher les racines. Le but de ce document n'est pas de présenter une rétrospective de l'histoire de Néris, marquée par de grands événements historiques, politiques et religieux, mais seulement de faire revivre, à travers des cartes postales et des documents anciens, la vie quotidienne des « ANNÉES BELLE ÉPOQUE » en insistant plus particulièrement sur la vie citadine et rurale, industrielle et thermale de notre merveilleuse cité bourbonnaise.
Avant Propos
Néris-les-Bains, ville d'histoire.
Il me souvient d'avoir obtenu à l'oral de l'École normale supérieure une note convenable quand j'ai raconté au professeur Seston, nîmois et sorbonnard éminent, Néris, ville romaine du centre de la France. J'ai parlé des thermes, de la tour de Néron, du "camp de César", des "arènes" et des temples.
William Seston m'a écouté avec indulgence: il connaissait Néris-les-Bains.
Une de ses merveilles est évidemment l'eau des bains. Chaude, bouillonnante, inquiétante, elle vient du centre de la terre.
Les baigneuses rayées de blanc et bleu ont hanté mon enfance. Elles soignaient à 1'établissement, - 1ieu magique - des malades venus de Paris, qui apparaissaient aux premières feuilles pour repartir à la fin de l'été. J'ignorais à quel traitement ils étaient soumis à l'intérieur des murs épais, où nous autres, indigènes, avions rarement accès, sauf à patauger l'hiver dans une petite piscine en s'éclaboussant d'eau précieuse. L'église a gardé mon enfance. Ses capuchons d'ardoise, ses arcs de belle pierre romane inspiraient mon crayon d'écolier. J'ai dû en faire mille croquis. J'ai appris plus tard, en lisant le grand historien de l'art Émile Mâle, natif de Commentry, qu'elle était construite sur un temple romain dont on avait réemployé les pierres. Depuis, je l'ai regardée de plus près.
Mais quand je détaille l'appareillage des murs, c'est la voix forte et bien timbrée du curé de Néris qui me vient aux oreilles, le kyrie qu'il attaquait comme à l'opéra, les dimanches des rameaux où la nef sentait bon la brioche. Une des grandes énigmes de mon enfance était le tombeau du chevalier de Malte. Le titre du défunt m'impressionnait énormément. Je me souviens d'être allé visiter ce lieu perdu en excursion, franchissant des remparts de ronces et des massifs de genêts. Je ne sais toujours pas qui était l'illustre chevalier, mais nous étions fiers, nous, Nérisiens, qu'il eut le bon goût de se faire enterrer là. Dans ma vie de Parisien, j'ai souvent songé à Néris. Et l'image que j'en garde est la grande place aux platanes vénérables, non souillée par le goudron, les parcs aux fleurs immortelles, qui semblaient avoir été plantées par les Romains, et les merveilleux fromages blancs de la grande ferme qui nous accueillait en bandes, les jeudis d'été, à la chapelle Saint-Joseph. Je souhaite que Néris garde longtemps cette image, et que l'on y vienne en pèlerinage, comme en un lieu privilégié où depuis sans doute deux mille ans et plus, les hommes ont vécu heureux.
Pierre MIQUEL, Historien