Auteur : André TOURET
BABELIO AVIS DES LECTEURS
« Montluçon après la tourmente » est la suite de « Montluçon 1940-1944 : la mémoire retrouvée », qui évoquait l'histoire de la ville au temps de l'Etat français. L'auteur aborde ici l'époque allant de la Libération (août 1944) jusqu'au milieu des années soixantes-dix, soit une trentaine d'années, correspondant à ce que les économistes appelleront les « Trente glorieuses ». En fait, l'histoire de Montluçon, durant ces trente années, aura été beaucoup plus chaotique, marquée d'abord par les difficultés de tout genre qui suivirent la Libération, et plus tard, par une série de crises, aboutissant à la disparition de la sidérurgie et à l'affaiblissement progressif du tissu industriel. Les équipes municipales en place, se réclamant au départ de l'héritage de Marx Dormoy, se consacrèrent longtemps à deux grandes priorités : la construction de logements et la construction d'écoles, dans une ville encore en expansion démographique. Mais à partir des années soixante, la municipalité Jean Nègre dut faire face à une priorité plus urgente : la dégradation de l'emploi industriel. Pourtant, la ville se transformait et se modernisait. Dans cet ouvrage, l'histoire générale est constamment présente, avec l'évocation de grands événements comme la guerre froide, l'agonie de la IVème République, le retour au pouvoir du général de Gaulle, les événements de mai 1968, vécus tant à Montluçon qu'au plan national. De même, à côté des phénomènes économiques, sociaux et politiques, la vie quotidienne des Montluçonnais, la vie culturelle, artistique, sportive, tout comme les cataclysmes naturels et les grandes manifestations festives occupent une large place, sans oublier quelques figures montluçonnaises qui ont joué un rôle de premier plan dans la vie de la cité. Un ouvrage de fond, le premier du genre écrit sur cette période de l'histoire de la ville.
EXTRAIT
Les événements de 1956 dans le monde et leurs répercussions à Montluçon
Au cours du dernier trimestre 1956, des événements graves se déroulèrent au Proche-Orient et en Europe centrale et eurent des répercussions indirectes à Montluçon. Il convient de résumer brièvement la situation.
Au Proche-Orient, Israël déclenchait le 29 octobre, une offensive militaire contre l'Égypte, bientôt suivie d'un bombardement des aéroports égyptiens par les forces franco-britanniques. L'Assemblée générale des Nations-Unies, convoquée en session extraordinaire, votait alors une résolution américaine recommandant le cessez-le-feu immédiat en Égypte. Mais ce pays, après avoir décrété la loi martiale, procédait à la saisie des biens français et britanniques. Après la déclaration, le 3 novembre à l'O.N.U., de la France et de la Grande-Bretagne qui posaient des conditions au cessez-le-feu, les Égyptiens bloquaient la navigation sur le canal de Suez, en y coulant plusieurs bateaux. Les forces franco-britanniques occupaient alors Port-Saïd et Port Fouad. Mais un ultimatum de l'Union Soviétique, auquel s'ajoutait la désapprobation des États-Unis, mirent rapidement fin à l'aventure militaire. Le corps expéditionnaire franco-britannique se trouva relayé par une force internationale. Finalement, le prestige de la France et de la Grande-Bretagne dans cette partie du monde, s'en trouva détérioré.
En Europe centrale, se déroulèrent des événements aussi tragiques mais d'une toute autre nature. Le 23 octobre, une insurrection avait éclaté à Budapest, contre le régime communiste en place. Elle devait porter au pouvoir Imre Nagy, un communiste victime lui-même de la politique de sévère répression qui s'était abattue sur le pays après 1947 et qui devenait président du conseil. Les Soviétiques, qui se contentèrent au debut de renforcer sur place leurs forces militaires, suivaient avec une certaine inquiétude le déroulement d'un mouvement qui pouvait embraser l'ensemble des démocraties populaires. Ainsi, après la proclamation d'Imre Nagy de retirer la Hongrie du pacte de Varsovie qui liait ce pays à l'Union Soviétique et à l'Europe de l'est, et sa demande, adressée à O.N.U., de garantir la neutralité hongroise, la réaction soviétique ne se fit pas attendre. Le 4 novembre, les chars soviétiques entraient dans Budapest et écrasaient l'insurrection hongroise. Imre Nagy se réfugiait à l'ambassade de Yougoslavie, le cardinal Mindszenty à l'ambassade des États-Unis, où il resta de longues années. Janos Kadar formera un gouvernement soutenu par les soviétiques. L'O.N.U. demanda en vain le retrait des forces soviétiques de Hongrie, mais le gouvernement Kadar refusa même l'envoi d'observateurs.
À Montluçon, le parti communiste condamna l'intervention franco-britannique en Égypte, mais pas l'intervention soviétique en Hongrie, celle-ci étant présentée comme une « insurrection contre-révolutionnaire » ?